From Philips 836.992 DSY: Kazimierz Serocki : Continuum Né à Torun, en 1922, Kazimierz Serocki est aujourd'hui l'une des plus remarquables personnalités de cette jeune école polonaise dont la vitalité et le non-conformisme ne cessent de s'affirmer et de s'imposer depuis dix ans. Il a étudié la composition avec Sikorski à Lodz, puis avec Nadia Boulanger à Paris, avant de donner dans le style néo-romantique officiel qui prévalait en Pologne jusque vers les années 50. Mais, dès 1952, il s'intéresse au dodécaphonisme sériel et renie bientôt ses œuvres antérieures. Il assimilera très vite les conquêtes les plus avancées de la recherche occidentale, passant successivement par le pointillisme post- webernien, les effets du néo-expressionnisme et les formes ouvertes de la musique aléatoire. Ses " Episodes " pour cordes et trois groupes de percussion témoignaient déjà en 1959 de son goût pour !a percussion expressive et de sa quête d'une " mise en espace " des sonorités instrumentales. Avec "Continuum", écrit en 1965-1966, Serocki mobilise les immenses ressources de 123 instruments à percussion répartis en six groupes tout autour de la salle où se donne le concert. Cette disposition spatialisée permet de réaliser un " continuum " sonore dans l'espace acoustique choisi. Pour communiquer entre eux, alors qu'il arrive qu'ils soient très loin l'un de l'autre, les six exécutants ont mis au point un système de signaux ou de repères de synchronisation : avertissement " lempique " (battues de certaines séquences), avertissement auditif (écoute des répliques de percussion individuelle), avertissement gestuel (signe convenu entre les percussionistes). A l'intérieur de chacune des 36 parties dont se compose l'ouvrage (et dont la durée varie de 4 à 45 secondes), l'auteur a pris soin de ménager un éventail très large de nuances dynamiques. On passe ainsi des pianissimi les plus aériens aux cataclysmes sonores les plus violents. En outre, une certaine marge de liberté est laissée à l'interprète, à l'intérieur de chacun des fragments, sollicitant de lui des initiatives de détail qui concourent à la spontanéité du discours. Bien entendu, le disque ne peut rendre compte des mouvements de giration ou de convergence dont Serocki joue ici avec beaucoup d'art. Néanmoins, il permet d'apprécier la vitalité sonore, tonique et convaincante d'une pièce qui est parmi les plus réussies de toutes celles suscitées par les Percussions de Strasbourg. Valentin Silvestrov: Mystères II y a trois ou quatre ans, les grands festivals occidentaux d'avant- garde ont eu la révélation de quelques partitions relativement audacieuses signées de jeunes Soviétiques qui semblaient vouloir refuser le langage traditionnel imposé par le réalisme socialiste. Parmi ceux-ci, Valentin Silvestrov, dont on apprenait que, né à Kiev en 1 937, il avait mené parallèlement des études de piano et d'ingénieur, avant d'étudier la composition avec Boris Liatachensky au Conservatoire Tchaïkovsky de Kiev. Silvestrov a achevé ses études musicales en 1964 et, depuis, il enseigne le piano dans les clubs d'ouvriers et de travailleurs de sa ville natale. Ses œuvres, déjà nombreuses, ne craignent pas de faire appel aux formations instrumentales les plus variées, ainsi qu'en témoignent un "Trio pour flûte, trompette et célesta " (1962), des "Projections pour clavecin, vibraphone et cloches" (1965) et plusieurs pages d'orchestre ou de clavier. Les " Mystères " datent de 1964. Ils ont été composés à la demande du grand flûtiste italien Séverine Gazzelloni. L'opposition entre la flûte en sol aux accents incantatoires et le groupe de percussions, qui représente le "chœur" à l'antique, montre bien la volonté du compositeur de rendre les contrastes symboliques et inquiétants de quelque rite magique. Chacune des cinq parties de l'ouvrage use d'une manière particulière d'envisager les durées. On y trouve, dans la notation habituelle, des valeurs rationnelles et non mesurées, des figures rythmiques simplement dessinées dans un certain " champ chronométrique" et des épisodes libres jalonnés de quelques signaux de coordination entre les interprètes. Pour l'exécution des "Mystères" au Domaine Musical, Jean-Claude Eloy écrivait en 1966 que "ces procédés témoignent du souci d'organiser des degrés divers entre temps strié et temps lisse. Ils témoignent aussi de la pénétration sans cesse plus large de l'héritage technicoesthétique le plus actuel dans la pensée créatrice de la jeune génération soviétique ". On notera plus simplement l'extraordinaire sensualité sonore qui se déploie dans cette pièce et la puissance d'envoûtement dont elle rayonne " mystérieusement". En juin 1961, six percussionnistes formés au Conservatoire National de Paris se retrouvent à Strasbourg, reunis par leurs fonctions à l'Orchestre Municipal et à celui de l'O R T F. Le rôle de plus en plus important des instruments à percussion dans la musique vivante les décide bientôt a constituer un sextuor: " Le Groupe instrumental à percussion de Strasbourg" lequel deviendra en 1966, pour plus de commodité, " Les Percussions de Strasbourg " Une solide amitié lie rapidement les six musiciens qui partagent volontiers les difficultés des débuts. Ils s imposent d'emblée un plan de travail rigoureux et cette austère discipline qui préside toujours a leur activité. Ils vont ainsi donner aux instruments à percussion toute leur signification moderne, en pressentant, au travers du langage musical contemporain, un répertoire conçu exclusivement pour eux et sans aucun apport orchestral. Leur règle d'or sera de toujours éviter les démonstrations de virtuosité purement formelles. Tous les instruments de chacune des catégories - Peaux, Bois, Métaux - sont ici utilisés Aux éléments classiques (timbales, tambours, cymbales, accessoires) viennent s'ajouter ceux spécialement crées par le Groupe (jeux chromatiques de crotales, claviers de cloches cencerros) et ceux d'origine orientale (tam-tams, gongs thaïlandais, mokubyos japonais ta'blas-tarenqs indiens). Au total, 140 instruments. Le Groupe exécute aussi bien des pièces de récital, seul et sans chef d'orchestre, que des œuvres concertantes et de la musique chorégraphique. C'est un Ensemble unique au monde. From Philips 836.991 DSY: Milan STIBILJ EPERVIER DE TA FAIBLESSE, DOMINE Sur un poème d'Henri Michaux. Récitant : Claude Petitpierre Makoto SHIIMOHARA ALTERNANCES ( Éditions LEDUC ) Péter SCHAT SIGNALEMENT LES PERCUSSIONS DE STRASBOURG Réalisation artistique : Michel Bernard. Prise de son : Guy Laporte Ce sera l'un des titres de gloire de notre siècle que d'avoir réhabilité la percussion en Occident. Qu'ils soient de peau, de bois ou de métal, qu'ils produisent des sons de hauteur déterminée ou indéterminée, les instruments de ce groupe n'étaient jadis que les auxiliaires du rythme et de la couleur, les serviteurs obscurs de l'effet. D'ailleurs, ils étaient réduits à quelques spécimens caractéristiques de rôle limité et ne formaient que très rarement un tout homogène. Aujourd'hui, avec l'éclatement des formes traditionnelles, avec la multiplicité des langages, avec l'élargissement des ressources instrumentales, avec la disparition de la notion de " bruit " opposée à celle de " son musical ", le pupitre des percussions a pris l'une des toutes premières places parmi les moyens de prédilection du compositeur moderne. Il se développe en groupes nombreux au sein de l'orchestre, domine souvent les ensembles instrumentaux les plus divers et apparaît même seul, dès 1931, dans Ionisation d'Edgar Varèse. Le temps est donc venu où les anonymes techniciens d'orchestre doivent devenir des virtuoses accomplis, spécialistes familiers des langages nouveaux et rompus à la sévère discipline collective de la musique de chambre. Les six jeunes musiciens qui se sont réunis en 1961 pour former le Groupe Instrumental à Percussion de Strasbourg ont dû s'imposer un plan de travail rigoureux, créer eux-mêmes leurs méthodes, avant de parvenir à la stupéfiante maîtrise, à la très haute tenue artistique qui leur valent aujourd'hui une renommée universelle. Olivier Messiaen l'a dit : " Par leur virtuosité multiforme, leur admirable technique instrumentale, leur sûreté rythmique, ils ont permis et provoqué la naissance d'un grand nombre d'œuvres modernes, et ils sont en partie responsables du renouveau de l'instrumentation contemporaine ". Aux tambours, timbales, cymbales et autres instruments désormais classiques, ils ont entrepris d'ajouter les ressources de la percussion orientale : tam-tams, gongs thaïlandais, mokubyos japonais, tablas indiens, etc. Mais ils ont été amenés aussi à créer de véritables groupes nouveaux de percussion : claviers de cloches à vache, cencerros, jeux chromatiques de crotales, etc. Au total, près de cent-cinquante instruments sont maintenant à leur disposition et à celle des compositeurs que de tels moyens sonores fascinent littéralement. Dix-sept grands créateurs actuels, de tous bords et de tous pays, ont déjà écrit pour Les Percussions de Strasbourg. " Un répertoire était nécessaire pour le Groupe, disait Boulez dès 1962, mais le Groupe s'est fait connaître et il a rendu le répertoire nécessaire. " Les trois œuvres ici gravées donnent un panorama de la production " percussive " internationale; toutes ont été conçues pour la formation strasbourgeoise et créées par elle. La première, Epervier de ta faiblesse, domine, est due au compositeur yougoslave Milan Stibilj, né en 1 929 à Ljubijana, et qui étudia la psychologie avant de travailler les différentes disciplines musicales à Zagreb, à l'Université d'Utrecht et avec son compatriote Milko Kelemen. Après avoir signé une Symphonie en 1961, des Congruences pour piano et orchestre en 1963, des Impressions pour flûte, harpe et cordes la même année, il s'oriente délibérément vers les recherches les plus avancées de la jeune école. Il donne alors Assimilation pour violon seul en 1965 (récompensé à Belgrade l'année suivante), Contemplation pour hautbois et orchestre, et tout récemment, pour la Biennale de Zagreb, un Requiem Slovène pour ténor, chœur et orchestre. Epervier date de 1964. Le texte du poète belge Henri Michaux, dans sa rudesse et sa violence corrosive, dans sa dureté de diamant, garde toute sa pureté sans que jamais la musique s'essaye à l'illustrer ou à le commenter. La partition est conçue comme une Passacaille sur un thème rythmique qui éclate et se désagrège dans la partie centrale de l'ouvrage. Le " climax " se situe sur le fragment qui a donné son titre à l'œuvre : " Epervier de ta faiblesse, domine ". D'un bout à l'autre, régnent des sonorités graves et inquiétantes, des fracas élémentaires qui transposent très habilement le climat viril et tendu de la poésie de Michaux. Epervier a été joué en première audition à la Biennale de Musique Contemporaine de Zagreb 1965 où il a obtenu le plus vif succès. Makoto Shinohara, né à Osaka en 1931, appartient à cette nouvelle école japonaise qui a assimilé très vite les conquêtes les plus révolutionnaires de la musique occidentale sans renier ses plus anciennes traditions nationales. Après avoir été élève de l'Université des Arts de Tokyo, il a travaillé avec Messiaen à Paris, puis avec Stockhausen et Kœnig à Cologne où il s'est fixé. Solitude pour orchestre (1961 ), Tendance pour piano (1 963), Visions pour bande magnétique quatre pistes (1965), Consonance créée aux dernières Nuits de la Fondation Maeght, prouvent un goût aigu pour les sonorités inouïes, une connaissance parfaite des techniques électro-acoustiques, un intérêt certain pour les procédés " aléatoires " et, en même temps, témoignent d'un tempérament très personnel. Alternances, écrite en 1961 et 1962 pour Les Percussions de Strasbourg, a été jouée, entre autres, au Domaine Musical à Paris en mai 1964 et au Festival de Royan 1965. C'est une pièce qui comporte neuf " événements " musicaux, ou séquences, dont cinq sont de caractère calme et fixe et les quatre autres plus agités. Des différences de timbre distinguent également ces neuf éléments de base avec, parfois, des groupes axés sur les " peaux " (timbales), les claviers (célesta, vibraphone), les " métaux " (cymbales, triangles, grelots, crotales, etc.). Certains de ces " événements " sont de forme déterminée, d'autres peuvent prendre plusieurs aspects. Leur ordre de succession est laissé au libre arbitre des interprètes, avec cependant comme obligation de maintenir tout au long de l'ouvrage le principe d'alternance entre les deux catégories principales. Il résulte de cette méthode de permutation un discours aéré d'une très grande mobilité sonore, dont les contrastes s'articulent suivant une logique nouvelle à chaque exécution et qui laisse une part importante d'initiative aux interprètes. La percussion acquiert ainsi une possibilité expressive tout à fait convaincante et qui s'ajoute à sa séduction strictement sonore. Le Hollandais Péter Schat, né à Utrecnt en 1935, a étudié à La Haye, à Londres et enfin à Baie avec Pierre Boulez. Ses oeuvres (Improvisations et symphonies pour quintette à vent, 1960; Sextuor pour trois musiciens et trois acteurs, 1961 ; etc.) ont été jouées dans la plupart des festivals ou institutions de musique contemporaine d'Europe. Son Labyrinth, gigantesque spectacle total alliant toutes les formes actuelles de l'art, a fait sensation au Festival de Hollande 1966. C'est en 1961 que Schat a composé son Signalement pour six percussionnistes et trois contrebasses, à l'intention du Groupe de Strasbourg. Le titre de la pièce vient des signaux qu'échangent les interprètes pour coordonner leurs interventions. L'œuvre, en effet, accorde progressivement de plus en plus de libertés de choix aux musiciens et va donc de la lecture d'un texte musical absolument déterminé jusqu'à un jeu où le " hasard " intervient dans les limites prévues par le compositeur. Les signaux de coordination deviendront donc de véritables signes de direction et les interprètes auront chacun à leur tour une responsabilité au moins égale à celle d'un chef d'orchestre. Aux contrebasses, qui n'apparaissent qu'épisodiquement, s'ajoute un piano traité en percussion et dont les cordes ont été préalablement " préparées " par l'introduction de divers objets. Dans la dernière partie de l'ouvrage, le timbre particulier émis par le piano détermine les répliques des autres pupitres sur tel ou tel groupe d'instruments. " Suivant qu'on aura entendu une corde de piano pincée par une pièce de monnaie, étouffée par un morceau de caoutchouc ou frappée par des baguettes, les percussionnistes joueront la séquence correspondante uniquement sur les instruments de métal, de bois ou de peau ", précise l'auteur. Signalement est donc une œuvre " ouverte " dont la vie sonore ne se dément pas un instant. Comme dans les deux ouvrages précédents, on peut suivre ici non seulement la pensée du compositeur, mais les réactions les plus personnelles des interprètes qui ont loisir d'infléchir le discours dans la direction de leur sensibilité propre. On a souvent accusé la musique de notre temps d'être déshumanisée, on ne saurait le reprocher à celle-ci ! Maurice FLEURET From Philips 6521 030: TONA SCHERCHEN (born in Neuchâtel, Switzerland, in 1938). At the Peking and Shanghai Conservatories studied Chinese music and literature as well as the classical Chinese instrument called the Pi-Pa. At the Salzburg Mozarteum studied dodecaphonic music with Henze (1961-1963); in Paris studied with Messiaen (1963-1965) and for a time with Schaeffer at the Studio de la Musique Concrete; studied composition in Vienna with Ligeti (1966-1967). SHEN is an attempt to penetrate the mysteries and profundities of life. It presents itself first in the solemn aspect of the RITE, of MYSTERY; to the RITE is opposed its complementary duality, the element of a gay, merry dance. Above the beating of a Chinese drum - like the beating of a heart, the Rhythm of Life - are gradually built up " exterior influences " : the sound of metal, the sound of membranes the sound of wood, the sound of grain flowing the sound of stone, the sound of silence. The rhythm becomes stronger and accelerates until the explosion - almost Death - of total Ecstasy; there remains only the gentle sound of a little tail wriggling. The composer of SHEN sought merely to write music; listeners may "interpret" it as they like. T.S. LES PERCUSSIONS DE STRASBOURG (6 performers, 150 instruments), founded in 1961 have given 600 concerts, gathered a repertory of 70 pieces, played in 35 countries (in Europe, the Middle East, Africa, and South America, in Australia, New Zealand, China, Japan, Mexico, Canada, and the United States of America), performed at 30 international festivals, and won 5 Grands Prix du Disque. They were one of the earliest groups to obtain the official recognition of a subsidy from the French Ministry of Cultural Affairs for their activities throughout France as well as aid from the Ministry of Foreign Affairs for their tours abroad